La matrice de matérialité RSE : mode d'emploi
10-10-2025 - par Célestine Moreira

Qu’est-ce qu’une matrice de matérialité RSE ?
Comment fonctionne la matrice de matérialité RSE ?
La matrice de matérialité, en RSE, est un outil visuel qui classe les enjeux ESG (Environnement, Social, Gouvernance) d’une entreprise sur deux axes : l’importance pour l’entreprise et l’importance pour les parties prenantes. Ici, le terme “matérialité” est un dérivé direct de l’anglais, qui signifie “pertinent, prioritaire”. C’est un outil d’aide à la décision pour l’entreprise, qui l’aidera à prioriser certains sujets RSE en fonction de leur niveau d’importance et d’urgence, en prenant en compte les points de vue des personnes et organisations directement touchées par les décisions de l’entreprise ou du groupe.
La matrice de matérialité est un outil utilisé en amont de la définition de la stratégie RSE. Comme elle permet d’identifier les enjeux cruciaux, elle est une réelle boussole pour les équipes RSE et les directions d’entreprises.
Zoom sur la matrice de double matérialité
Depuis plusieurs années, lorsque l’on parle de matrice de matérialité RSE, le terme qui revient le plus c’est l’analyse de double matérialité. Cet exercice a gagné en visibilité grâce à la CSRD, qui l’intègre dans sa méthodologie de reporting. Au lieu de n’identifier que les impacts de l’entreprise sur son écosystème (environnemental, social, sociétal…), on évalue également comment ces changements environnementaux, sociaux et sociétaux impactent l’entreprise. C’est en ce sens qu’elle est “double” : la matérialité d’impact et la matérialité financière.
- La matérialité d’impact : comment les décisions de l’entreprise affectent l’environnement, les personnes, les communautés, la société… Par exemple : les émissions de gaz à effet de serre, la protection des communautés sur les sites exploités, la sécurité dans les usines, le nombre de femmes au conseil d’administration…
- La matérialité financière : comment les changements climatiques et sociétaux affectent la santé financière et la pérennité de l’entreprise. Par exemple les risques d’incendies dans certaines régions, la pénurie de matières premières fossiles, l’opportunité d’investir dans de nouvelles technologies moins polluantes…
Cette double approche permet aux entreprise d’avoir une vision beaucoup plus globale et élargie de leurs enjeux ESG, et en les impliquant réellement. En prenant en compte comment les changements vont affecter l’entreprise dans le futur, ces problématiques deviennent plus tangibles pour beaucoup d’entre elles.
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Pourquoi réaliser une matrice de matérialité RSE ?
Y voir plus clair dans ses objectifs
Les enjeux ESG sont très nombreux, et ne sont pas tous pertinents pour une entreprise en fonction de sa taille, son secteur d’activité, ses relations avec ses parties prenantes… Certains objectifs peuvent même être contradictoires dans certains cas ! La matrice de matérialité RSE permet donc d’identifier lesquels sont les plus cruciaux.
La matrice de matérialité RSE permet également de prioriser. Si certains enjeux ESG ressortent comme étant cruciaux et urgents, certains restent importants mais à traiter dans un deuxième temps. Ainsi, la matrice de matérialité permet de construire une stratégie RSE pérenne, avec des objectifs à court, moyen et long terme.
Aligner stratégie et parties prenantes
La matrice de matérialité RSE prend en compte les parties prenantes des entreprises, par exemple :
- les salariés qui ont des attentes sur les conditions de travail, la diversité, l’inclusion…
- les clients qui ont des attentes au niveau environnemental et de l’éthique des affaires
- les investisseurs et banques qui accordent de plus en plus d’importance aux critères ESG dans leurs choix d’investissement
- les fournisseurs et sous-traitants qui sont responsables de la chaîne de valeur
- les ONG, associations et collectivités qui veillent au respect de tous les enjeux ESG
- les régulateurs qui vérifient que l’entreprise est conforme aux exigences légales et aux normes
Construire une matrice de matérialité RSE permet d’ouvrir le dialogue avec toutes ces organisations et individus, pour mieux comprendre leurs attentes et leurs besoins, et ainsi fluidifier les relations avec chacune d’entre elles. Cela permet aussi de les intégrer proactivement dans la stratégie RSE, et ainsi de s’assurer que toutes ces parties prenantes sont alignées avec les objectifs ESG de l’entreprise, ou de les accompagner dans une démarche plus durable si ça n’est pas le cas.
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Pour la conformité réglementaire
La matrice de matérialité RSE est également un outil précieux pour se mettre en conformité avec les différentes exigences ESG nationales, européennes et internationales. Si elle est obligatoire dans la méthodologie de la CSRD (avec l’analyse de double matérialité), elle est tout de même utile à plus grande échelle, sur d’autres cadres méthodologiques comme le GRI, la DPEF…
Dans ce cadre, elle permet d’éviter certains risques juridiques et réputationnels. Si des enjeux environnementaux, sociaux ou de gouvernance sont omis, cela peut être perçu comme du greenwashing ou comme de la malhonnêteté de la part de l’entreprise, entraînant de potentiels risques réputationnels, voire des poursuites juridiques dans certains cas.
Utilise une patrice de matérialité pour sa conformité réglementaire ESG est également une façon de faciliter la production des rapports RSE, en les rendant normés et comparables. Les enjeux matériels sont analysés avec la même méthodologie, permettant de standardiser les processus de décision et de production des rapports RSE, à l’échelle de l’entreprise voire d’un groupe.
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Comment construire sa matrice de matérialité RSE ?
Identifier les enjeux
La première étape est de mettre en place la matrice de matérialité, et donc de lister tous les enjeux possibles en matière d’ESG, pour déterminer par la suite lesquels sont matériels ou pas. Pour cela, les entreprises doivent choisir un cadre méthodologique ou un référentiel ESG, qui leur servira de grille de base. Cela peut être la CSRD par exemple, ou sa version allégée la VSME, mais également l’ISO 26000, les ODD (Objectifs de Développement Durable)…
Cette première liste d’enjeux doit être revue en interne par les départements concernés : Ressources Humaines, Finance, Achats… pour prendre en compte les enjeux à l’échelle de toute l’entreprise, et pas seulement par le prisme de la RSE et de la direction.
Hiérarchiser les enjeux
Après ce travail de listing des enjeux, une entreprise, même de taille moyenne, peut se retrouver avec des dizaines voire centaines d’enjeux. L’étape suivante est la hiérarchisation, pour se concentrer sur un nombre restreint de problématiques et objectifs critiques.
Pour hiérarchiser ces enjeux au sein de la matrice de matérialité, la technique recommandée par l’EFRAG est la cotation des IRO (Impacts, Risques, Opportunités). Il s’agit, pour chaque enjeu, d’attribuer une note selon plusieurs critères :
- Concernant la matérialité d’impact (donc l’impact que l’entreprise a sur son écosystème) : l’ampleur de l’impact, l’étendue de l’impact, le caractère irrémédiable de l’impact et sa probabilité.
- Concernant la matérialité financière (donc l’impact des changements sociaux et climatiques sur l’entreprise) : la magnitude de l’impact et sa probabilité.
Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre article entièrement dédié à la cotation des IRO dans la matrice de matérialité.
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Consulter les parties prenantes
Il faut ensuite consulter les parties prenantes citées plus haut (salariés, clients, investisseurs, fournisseurs…) pour récolter leur expertise concernant certains enjeux. Le but ici est également d’élargir le champs de vision des équipes RSE en charge de la matrice de matérialité pour s’assurer de n’oublier aucun enjeu majeur. Il s’agit de recueillir leur perception des enjeux et l’importance qu’elle a pour eux, et ainsi ajuster les notes attribuées dans la cotation des IRO.
La consultation des parties prenantes peut se faire via plusieurs canaux : des questionnaires et sondages, des entretiens individuels, des ateliers de réflexion, des enquêtes…
Produire la matrice de matérialité RSE
La dernière étape est de construire la matrice de matérialité en tant que telle. Il s’agit de construire un visuel clair, avec un axe X pour représenter l’importance pour l’entreprise et un axe Y représentant l’importance pour les parties prenantes.
Ainsi, les enjeux situés en haut à droite seront prioritaires, car importants pour l’entreprise comme pour les parties prenantes. Les autres enjeux doivent être suivis, mais ne nécessitent pas d’actions immédiates.
La matrice de matérialité RSE permet donc de visualiser en un coup d’oeil quels objectifs ESG fixer en priorité, pour construire une feuille de route pertinente.
En définitive, la matrice de matérialité RSE n’est pas qu’un exercice de conformité : c’est un outil vivant, au croisement de la stratégie, du dialogue et de la performance durable. Son intérêt ne s’arrête pas à la photo qu’elle offre à un instant T, elle doit évoluer avec les priorités de l’entreprise et celles de son écosystème. En ce sens, la question n’est plus seulement “comment la construire ?” mais “comment la faire vivre ?” pour qu’elle devienne un véritable moteur de transformation et d’innovation durable.