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La double matérialité pour la CSRD

06-02-2025 - par Fanny Raimbault

La double matérialité pour la CSRD

La double matérialité dans la CSRD

La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) a été votée et mise en place par la Commission Européenne pour améliorer la transparence des entreprises sur la mise en place de politiques de durabilité et de stratégies RSE. Cette directive leur impose un rapport détaillé et surtout basé sur la donnée, limitant donc au maximum le greenwashing, qui a tendance à se glisser dans les rapports RSE des entreprises. La CSRD permettra également, à terme, de comparer les entreprises d’un même secteur entre elles. Les données des entreprises concernées étant mises à disposition en Open source par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) dès 2027, de nouveaux outils permettront aux talents, clients, consommateurs et investisseurs de comparer factuellement des entreprises, et donc de créer un nouveau pôle de compétitivité durable.

 

Faire son reporting CSRD est un projet complexe et parfois long pour les entreprises concernées. Alors, pour guider les entreprises sur la marche à suivre, l’EFRAG a détaillé les étapes à suivre pour mener ce projet de reporting à bien.

    1. L’analyse de double matérialité : elle permet aux entreprises de comprendre quelles normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) sont considérées comme matérielles ou non pour elles. Ici, le mot “matériel” est une traduction de l’anglais “materiality”, si l’on prend une autre traduction française cela donne plutôt “pertinent”.
    2. La gap analysis : elle permet d’évaluer les écarts entre les exigences de la CSRD et les données actuellement disponibles dans l’entreprise. Elle permet d’identifier les indicateurs déjà mesurés et pilotés, ceux qui sont à compléter ou à adapter et enfin les indicateurs non évalués ou manquants.
    3. La rédaction du rapport : les exigences de reporting sont détaillées dans les normes ESRS 1 et 2. On les appelle les DR (Disclosure Requirements), elles explicitent comment calculer et présenter les données exigées par la CSRD. Ce rapport doit ensuite être audité par un Commissaire aux comptes ou un OTI (Organisme Tiers Indépendant).

 

 

Découvrez le guide complet sur la gap analysis

 

 

Qu’est-ce que la double matérialité ?

Comme expliqué précédemment, la double matérialité est un concept clé de la CSRD car elle intervient au début du projet. Elle repose sur une approche croisée qui consiste à analyser, d’un côté comment les activités de l’entreprise influencent son écosystème (social, environnemental, de gouvernance) et, d’un autre côté comment ces mêmes enjeux peuvent impacter l’entreprise elle-même, à court, moyen ou long terme.

 

Cette analyse de double matérialité aide les entreprises à structurer leur stratégie ESG en identifiant les risques et opportunités les plus importants pour elles. Elle est également là pour hiérarchiser les informations à publier dans le rapport, en s’assurant de leur pertinence pour les parties prenantes internes et externes, tout en garantissant la conformité aux exigences réglementaires européennes.

 

On appelle cet exercice la “double” matérialité, car elle comprend en réalité deux faces d’une même pièce : la matérialité d’impact et la matérialité financière.

 

La matérialité d’impact (Inside-Out)

La matérialité d’impact, également appelée approche Inside-Out, est l’une des deux dimensions de la double matérialité exigée par la CSRD. Cette dimension évalue comment les activités et les choix d’une entreprise affectent l’écosystème qui l’entoure, et leur durabilité. Elle prend en compte à la fois les enjeux environnementaux, sociaux, et de gouvernance de l’organisation concernée. Il s’agit, dans cette phase, d’identifier les impacts, qu’ils soient directs ou indirects, que l’entreprise génère à travers ses opérations, sa chaîne de valeur, ses produits ou services.

 

Voici des impacts qui peuvent être évalués dans l’analyse de la matérialité d’impact :

  • Sur le plan environnemental : une entreprise de manufacture devra évaluer les émissions carbone de ses scopes 1 et 2 pour estimer son impact sur le changement climatique.
  • Sur le plan social : une entreprise de services qui passe à la semaine de quatre jours pour améliorer l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle de ses salariés pourra évaluer l’impact que cela aura sur leur bien-être.
  • Sur le plan de la gouvernance : une entreprise qui impose des délais de paiement de 180 jours à ses prestataires devra évaluer comment cela impacte ses parties prenantes.

 

Si la matérialité d’impact semble être une évidence, la matérialité financière, elle est parfois plus complexe à évaluer pour les entreprises, car moins évidente.

 

La matérialité financière (Outside-In)

La matérialité financière, également appelée approche Outside-In, est l’autre dimension de la double matérialité exigée par la CSRD. Contrairement à la matérialité d’impact, qui analyse les effets des activités d’une entreprise sur son environnement, la matérialité financière évalue comment les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance influencent l'avenir financier et la performance économique de l’organisation concernée.

 

Cette approche permet aux entreprises d’anticiper les risques et opportunités liés aux évolutions réglementaires, aux changements climatiques, aux attentes des parties prenantes et aux mutations du marché. Elle est essentielle pour comprendre comment des événements extérieurs peuvent impacter directement la rentabilité, la valeur des actifs ou encore la stabilité et le futur financier de l’entreprise.

 

Voici quelques exemples d’éléments évalués dans l’analyse de la matérialité financière :

  • Sur le plan environnemental : Une entreprise agricole confrontée à une augmentation des périodes de sécheresse devra analyser l’impact de ces changements climatiques sur ses rendements, ses coûts d’exploitation et la viabilité de ses modèles de production à long terme.
  • Sur le plan social : Un groupe hôtelier s’installant dans un bassin d’emploi faible fera face à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et devra évaluer comment cette situation impacte ses coûts de recrutement, sa capacité à offrir un service de qualité et, in fine, sa rentabilité.
  • Sur le plan de la gouvernance : Une entreprise cotée en bourse dont les investisseurs attendent une transparence accrue sur sa stratégie RSE devra mesurer l’impact de ces exigences sur son attractivité financière et son accès au financement.

 

En intégrant la matérialité financière dans leur analyse, les entreprises peuvent mieux gérer les risques, identifier des leviers de croissance et renforcer leur résilience face aux transformations économiques et sociétales.

 

Comment procéder à l’analyse de double matérialité ?

Dans le cadre de la CSRD, c’est l’EFRAG qui a posé le cadre permettant de guider les entreprises sur la méthodologie à adopter pour le reporting. Ainsi, l’EFRAG a posé 12 normes ESRS :

  • 2 normes sur le cadrage et les exigences de la CSRD
  • 5 normes sur le volet environnemental
  • 4 normes sur le volet social
  • 1 norme sur le volet de la gouvernance

 

 

Découvrez le guide complet sur les ESRS

 

 

 

Bien que certains soient obligatoires, tous ces ESRS ne sont pas matériels pour toutes les entreprises, elles peuvent donc choisir de ne pas les publier s’ils ne sont pas pertinents à évaluer. Tout l’enjeu de l’analyse de double matérialité est donc d’adopter la bonne méthodologie pour estimer quels ESRS sont matériels, et donc à prendre en compte dans le reporting CSRD et de manière générale dans leur stratégie de durabilité.

 

La cotation des IRO dans l’analyse de double matérialité

Une des méthodes pour cette étape est celle de la cotation des IRO (Impacts, Risques et Opportunités).

 

Les IRO sont un élément clé du reporting exigé par la CSRD. Ils permettent aux entreprises d’affiner leur analyse de double matérialité en identifiant, pour chaque ESRS, les aspects spécifiques les plus pertinents pour leur activité.

 

Pour aider à l’évaluation des IRO, l’EFRAG a divisé les ESRS en sous-enjeux et sous-sous-enjeux. Les entreprises doivent donc coter les IRO associés à chaque sous-sous-enjeu. Cela permet d’intégrer les spécificités liées aux secteurs d’activité et aux contextes géographiques ou politiques des entreprises.

 

Si l’on prend l’exemple de l’ESRS E3, qui concerne les ressources aquatiques et marines. Un des sous-enjeux définis par l’EFRAG concerne les ressources marines, avec un sous-sous-enjeu sur le rejet des eaux dans les océans. L’entreprise pourrait alors identifier plusieurs IRO liés à cet enjeu, comme :

  • Contamination des ressources alimentaires marines
  • Nouvelles technologies de traitement des eaux usées
  • Réputation auprès du grand public

 

Ces IRO aident l’entreprise à quantifier et qualifier les effets de ses activités et à hiérarchiser les actions à entreprendre pour atténuer les impacts négatifs ou exploiter des opportunités de marché.

 

Il n’existe pas de méthodologie établie par la CSRD ou l’EFRAG pour procéder à la cotation des IRO, mais chez Zei nous vous conseillons des les évaluer selon l’échelle suivante :

  • 0 : Non applicable
  • 1 : Impacts légers/localisés
  • 2 : Impacts modérés
  • 3 : Impacts importants
  • 4 : Impacts graves/globaux

 

Zei a conçu un fichier-outil clé en main pour procéder à la cotation des IRO en quelques clics. Les formules sont pré-paramétrées avec les bons coefficients pour vous accompagner dans cette étape.

 

 

Téléchargez l'outil IRO Calculator

 

 

La matrice de double matérialité

Les ESRS et sous-enjeux peuvent être nombreux pour les plus grandes entreprises. Pour se représenter plus facilement lesquels sont matériels et prioritaires, il existe un outil : la matrice de double matérialité.

 

Cette matrice est en générale présentée sous la forme d’un graphique à deux axes :

  • L’axe horizontal représente la matérialité financière (Outside-In), c’est-à-dire l’impact des enjeux ESG sur la performance économique et la résilience de l’entreprise. Plus un enjeu peut affecter la rentabilité, la valeur des actifs ou la stabilité financière de l’organisation, plus il est positionné à droite de la matrice.
  • L’axe vertical représente la matérialité d’impact (Inside-Out), soit l’effet des activités de l’entreprise sur la société et l’environnement. Un enjeu ayant des conséquences significatives sur l’écosystème, les parties prenantes ou les ressources naturelles sera placé plus haut dans la matrice.

 

Cette matrice permet d’avoir en un seul coup d’oeil les résultats de l’analyse de double matérialité, et d’identifier rapidement les sujets les plus stratégiques. Les sujets placés en haut à droite sont considérés comme hautement matériels, car ils ont à la fois un impact significatif sur l’environnement et la société, et un effet majeur sur la performance financière de l’entreprise. Ce sont ces enjeux qui doivent être priorisés dans le reporting CSRD et dans la stratégie de durabilité de l’organisation au global.

 

Le rôle des parties prenantes dans l’analyse de double matérialité

Dans l'exercice de double matérialité, il ne faut pas oublier les parties prenantes. Elles jouent un rôle central car elles permettent aux entreprises d’avoir une vision plus complète et pertinente des enjeux ESG à prendre en compte dans leur double matérialité. Leur implication dans le projet permet d’éviter que l’entreprise concernée ne s’arrête pas à une simple évaluation interne, mais intègre aussi les attentes des parties prenantes qui travaillent avec elle.

 

Les parties prenantes concernées peuvent être :

  • internes à l’entreprise : comme les employés, les actionnaires, les représentants syndicaux… Les employés peuvent par exemple apporter des informations sur les conditions de travail et les aspects sociaux.
  • externes à l’entreprise : comme les clients, les fournisseurs, les investisseurs, les régulateurs, les communautés locales... Les fournisseurs peuvent par exemple apporter des éclairages sur la gouvernance de l’entreprise, notamment sur les enjeux de délais de paiements.

 

L’implication de ces parties prenantes peut se faire tout au long de l’analyse de double matérialité. Elles peuvent par exemple être consultées en amont pour identifier les enjeux ESG qui sont réellement matériels pour l’entreprise via des ateliers, des entretiens ou des enquêtes. Leur retour permet de dresser une liste d’enjeux à examiner plus en profondeur. Ensuite, lors de l’évaluation des IRO, leur avis est précieux pour mieux évaluer l’ampleur et la criticité des enjeux identifiés.

 

Même si la CSRD n’impose pas concrètement la consultation des parties prenantes pour la double matérialité, elle la recommande fortement.

 

 

 

L’analyse de double matérialité est une étape clé du reporting CSRD. Elle permet aux entreprises d’identifier les enjeux ESG les plus pertinents pour elles et d’adapter leur stratégie de durabilité en fonction de cette analyse. Grâce à la double analyse de la matérialité d’impact et de la matérialité financière, cette étape apporte une vision complète des risques et opportunités, permettant aux entreprises d’être les plus transparentes et exhaustives possibles dans leur reporting et, à terme, dans leur stratégie de durabilité.

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