DAF : les enjeux de performance extra-financière pour 2025 - avec Cannelle Pelissolo
17-01-2025 - par Célestine Moreira

Cet article a été écrit avec la participation de Cannelle Pelissolo, Manager Conseil en Transformation des Services Financiers chez PwC.
2024 : une année marquante pour la performance extra-financière des entreprises
En 2024, deux thèmes ont été au cœur de l'actualité française et européenne en matière d’impact environnemental, social et de gouvernance.
Tout d’abord, il y a évidemment eu la première vague de reporting CSRD. Les sociétés remplissant au moins deux de ces trois critères ont dû préparer leurs données pour le reporting obligatoire de 2025 :
- plus de 500 salariés
- un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros
- un total du bilan supérieur à 20 millions d’euros
2024 a été la première année pour la CSRD, ce qui a eu plusieurs conséquences majeures, notamment sur la place des équipes RSE dans les sociétés. Avec cette obligation de reporting, elles ont davantage eu voix au chapitre dans les décisions stratégiques prises par leurs entreprises. Mais la CSRD a également eu des conséquences sur les équipes financières. La CSRD a élevé la donnée extra-financière au même niveau d’exigence que la donnée financière, permettant donc à ces équipes de monter en compétences sur les sujets de durabilité.
Ensuite, le deuxième événement marquant de 2024 a été la publication du règlement sur les agences de notation extra-financières. Avec cette nouvelle règlementation, les agences de notation ESG devront faire preuve de davantage de transparence sur la façon dont elles procèdent à leur évaluation, les critères qu'elles utilisent, et devront se conformer à un cahier des charges standard pour pouvoir opérer au sein de l’Union Européenne. Ce règlement permettra aux entreprises de mieux comprendre comment leurs informations ESG sont analysées et évaluées, pour pouvoir s’améliorer sur les enjeux clés de durabilité. Les agences de notation ESG auront donc un statut d’excellence et d’exigence aussi haut que les agences de notation financière. C’est un sujet dont les DAF devront s’emparer.
2024 a donc préparé le terrain sur les enjeux de durabilité dans les entreprises, et 2025 sera une année charnière pour les DAF en matière de performance extra-financière.
Quelles tendances pour la performance extra-financière en 2025 ?
La première année après la CSRD
2025 sera l’année de la prise de recul sur la CSRD. Les premières productions de reporting arriveront au premier semestre et permettront aux entreprises d’émettre un avis critique sur les processus de production déployées, la qualité des données produites, et la performance extra-financière en elle-même.
Les entreprises qui ont été concernées par la CSRD en 2024 pourront donc faire un retour d’expérience et servir d’exemple pour les prochaines sociétés concernées. Les plus petites sociétés (ETI, PME) pourront s'orienter grâce aux rapports des grandes entreprises aux activités similaires pour gagner en efficacité sur leur propre reporting. Cela passera certainement par une analyse de double matérialité inspirée de celles des grandes organisations de leur secteur, mais également par le choix d’outils spécialisés sur la collecte d'informations pour la CSRD, comme Zei.
Essayer gratuitement le module CSRD de Zei
Une année pour prendre des décisions fortes
En 2024, le monde a connu de grands bouleversements géopolitiques dont les répercussions vont démarrer en 2025. Selon Cannelle Pelissolo, cette année sera charnière pour tous, et les entreprises vont devoir prendre des décisions fortes. Avec les changements politiques aux États-Unis et en Europe, certaines grandes banques qui se désolidarisent peu à peu des Accords de Paris, 2025 risque de ne pas être l’année de la durabilité pour un bon nombre d’entreprises dans le monde. Les entreprises étant directement impactées par les décisions de ces banques en matière de financement et d'investissement se poseront nécessairement des questions sur leur positionnement vis-à-vis de la durabilité. Celles qui souhaitent poursuivre et asseoir leur engagement pour une économie plus durable seront amenées à prendre des décisions fortes et montrer l’exemple. Cela peut passer par le renforcement de leurs engagements (comme le Net-zero carbon), par le vote pour le maintien de budgets alloués à l’action climatique, le choix d’investissements et d’investisseurs durables…
Pourquoi prendre ces sujets à bras le corps en 2025 ?
Au-delà du simple cadre règlementaire imposé par la CSRD et la CS3D, les directions financières ont également d’autres bonnes raisons d’intégrer les sujets de performance extra-financière à leur stratégie 2025.
La gestion du risque climatique
Les risques liés aux limites planétaires, appelés risques climatiques, touchent la majorité des organisations de toute taille, et doivent être pris en compte dans les stratégies moyen-long terme.
Le risque le plus concret à mesurer est le risque physique que les sociétés encourent. Il s'agit du risque d'apparition d'aléa climatique dans les zones d'implantation d'une entreprise. Investir aujourd’hui un bien immobilier qui sera en zone inondable dans 30 ans, ouvrir une usine qui se retrouvera dans un bassin d’emploi désert dans 10 ans, créer une antenne dans une zone où les risques d’incendies seront multipliés d’ici 5 ans… Les répercussions du réchauffement climatique n’ont jamais été aussi tangibles, et continueront à l’être.
Cannelle Pelissolo cite également de risque de transition, qui décrit les risques à ne pas s'adapter au monde "d'après", à un monde durable le réchauffement planétaire et la transition écologique. Parmi les risques de transition il existe un risque dit “technologique”. Les entreprises pionnières de la durabilité vont développer et investir dans des technologies plus durables (autant sur le plan environnemental, que social ou de gouvernance). Ces technologies deviendront à termes la norme, et une entreprise qui tardera à les développer ou à les adopter accumulera un retard certain.
Enfin, il y a le risque règlementaire. Même si, à l’heure actuelle, la CSRD n’impose pas de sanction très claire, la CS3D sanctionnera chaque entreprise non conforme sur la base de leur chiffre d’affaires, sur le même principe que le RGPD. L’amende pourra s’élever jusqu’à 5% du CA global de l’entreprise. Les organisations non conformes seront également épinglées publiquement, pour une durée de 3 à 5 ans. Cette technique de “name and shame” existe pour augmenter la pression exercée par les parties prenantes (clients, investisseurs, talents…) sur les “mauvais élèves”, au même titre que certaines sanctions financières.
Mettez-vous en conformité avec Zei
La concurrence sur la durabilité
Les données ESG des sociétés deviennent accessibles en open source, aux yeux de tous. La déclaration de la CSRD va permettre à tout un chacun de comparer en un coup d’oeil des entreprises du même secteur sur leurs performances extra-financières. De nouveaux outils vont voir le jour pour faciliter ces comparaisons, et on les retrouvera certainement sur des job boards, des comparateurs de produits… avec de nombreux critères de comparaison.
Il est donc important de ne pas prendre de retard sur les sujets RSE. D’une part parce que les jeunes générations (les futurs talents et clients des entreprises !) prennent ces sujets très à coeur dans leurs décisions. Mais également car la déclaration de CSRD et de la CS3D empêchent le greenwashing, les entreprises n’auront pas d’autre choix que de prendre des mesures concrètes pour une économie plus durable.
Si les DAF sont particulièrement concernés par ces sujets de concurrence, c’est parce-que l’Union Européenne est en train de mettre en place l’ESAP (European Single Access Point) qui devrait voir le jour en 2026. Ce projet vise à créer une plateforme unique, pour consulter les données financières et extra-financières des entreprises européennes. Cet outil s’inscrit dans le projet de l’UMC (Union des Marchés de Capitaux), pour rendre les données des organisations plus transparentes, plus comparables et plus accessibles aux investisseurs et régulateurs. L’ESAP mêlant à la fois des informations de performance extra-financière et de performance financière, ce seront les DAF qui piloteront la collecte, l’analyse et la publication des données sur la plateforme, dès 2025.
En 2025, les DAF seront donc face à plusieurs défis majeurs concernant la performance extra-financière de leur entreprise. Pour conclure, Zei a demandé à Cannelle Pelissolo ce qu’elle pensait des défis que les directions financières rencontreront en 2025.
"Il est important que les DAF s’emparent de la CSRD comme enjeu réel, pour deux raisons.
La première, c’est que c’est le moment ou jamais pour réfléchir à une vraie stratégie de durabilité, et les DAF seront une référence en interne et en externe pour incarner cette stratégie. Et pour cela, il n'y a aucune honte à demander de l'aide à des experts.
La seconde, c'est que cette exigence extra-financière place les données extra-financières à un niveau d'exigence équivalent à celui des données financières. C'est donc également un momentum pour poser à plat les processus financiers et extra financiers, voire les moyens IT qui supportent ces processus"