Directive CS3D : en quoi consiste-t-elle ?
20-12-2024 - par Célestine Moreira

Depuis la mise en place du Pacte vert pour l’Europe en 2019, l’Union Européenne a voté et adopté plusieurs règlementations concernant les impacts environnementaux et sociaux des entreprises européennes. Parmi elles :
- La SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), une directive qui impose davantage de transparence ESG pour les acteurs financiers
- La Taxonomie verte européenne, qui permet une classification la plus complète possible des activités jugées durables pour encourager des investissements plus responsables
- La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui harmonise et complète les exigences de reporting ESG pour les entreprises européennes, avec un niveau de transparence et de granularité des données très élevé
Qu’est-ce que la CS3D ?
Votée en avril 2024 par le Parlement Européen et définitivement adoptée en juillet 2024, la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) introduit de nouvelles obligations pour les entreprises en matière de durabilité. Elle met notamment en place le devoir de vigilance, obligeant les entreprises à identifier, prévenir et atténuer concrètement leurs impacts négatifs, qu’ils soient environnementaux ou sociaux.
Quelles sont les entreprises concernées par la CS3D ?
Les entreprises concernées par la CS3D sont les entreprises européennes qui remplissent ces deux critères :
- celles ayant plus de 1000 salariés
- celles générant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros
Au même titre que la CSRD, la CS3D ne concernera pas à terme que les entreprises européennes, mais également les sociétés de rang mondial ayant des activités significatives au sein de l’Union Européenne. Ainsi, seront également soumises à la CS3D :
- les entreprises non-européennes générant un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros au niveau européen
Enfin, la directive s’appliquera également à une dernière catégorie d’entreprises ou de sociétés-mères :
- ayant conclu des accords de licence ou de franchise au sein de l’Union Européennes avec des sociétés tierces
- dont les accords de licence ou de franchise garantissent une identité commune, un concept commercial commun et l'application de méthodes commerciales uniformes
- si l’accord de licence ou de franchise représente un montant supérieur à 22,5 millions d’euros
- et si la société mère ou l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de plus de 80 millions d’euros au niveau mondial
In fine, la CS3D va concerner environ 6000 sociétés européennes, et environ 900 sociétés non-européennes. Les PME, quant à elles, ne sont pas directement concernées par cette directive. En revanche, elles peuvent être affectées par la CS3D en tant que partenaires commerciaux de grandes entreprises concernées par la directive. Un soutien financier ou technique pourra être mis en place pour soutenir ces PME.
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Quand la CS3D sera-t-elle mise en application ?
Votée en 2024 et adoptée en juillet 2024, la CS3D devra être transposée par les États membres de l’Union Européenne d’ici juillet 2026. Cela signifie que les États l'intégreront dans leurs législations nationales, notamment si certaines lois déjà similaires sont déjà en place. C’est par exemple le cas en France avec la loi française sur le devoir de vigilance, ou bien en Allemagne avec la loi allemande sur la chaîne d’approvisionnement. Tout comme la CSRD, la CS3D sera mise en application de manière progressive.
Devront se conformer aux exigences de la CS3D dès 2027 les entreprises aux critères suivants :
- les entreprises de l’Union Européenne de plus de 5000 employés ou réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 1,5 milliard d’euros
- les entreprises en dehors de l’Union Européenne réalisant un chiffre d’affaires de plus de 1,5 milliard d’euros au niveau européen
Devront se conformer aux exigences de la CS3D en 2028-2029 les entreprises aux critères suivants :
- d’abord celles de plus de 3000 employés réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 900 millions d’euros
- ensuite celles de plus de 1000 employés réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 450 millions d’euros
Quelles sont les obligations et sanctions de la CS3D ?
Qu’est-ce que le devoir de vigilance ?
Avec la CS3D, les entreprises devront mettre en place un processus de vigilance systématique. Le devoir de vigilance désigne l’obligation pour les sociétés d’agir concrètement sur les impacts (qu’ils soient réels ou potentiels) de leurs opérations sur :
- les droits humains : travail forcé, travail des enfants, discrimination…
- l’environnement : pollution, déforestation, émissions de gaz à effet de serre…
La particularité du devoir de vigilance est qu’il s’applique à la totalité de la chaîne de valeur de chaque entreprise, incluant donc :
- ses propres opérations et activités
- les activités de ses filiales et succursales
- les activités de ses partenaires commerciaux, que cela soit en amont ou en aval de ses opérations
Les principales obligations de la CS3D
Avec la CS3D, les entreprises devront se conformer à 5 obligations principales :
- Intégration de la directive dans la politique de l’entreprise : elles vont devoir mettre en place le devoir de vigilance dans leurs politiques de gouvernance, mais également dans leurs contrats avec des partenaires commerciaux à l’aide de clauses de diligence
- Identification et évaluation des impacts négatifs : elles vont devoir identifier et recenser les impacts négatifs de leurs opérations et de celles de la chaîne de valeur (que cela soit des impacts réels ou bien des impacts potentiels)
- Gestion des impacts négatifs : elles vont devoir mettre en place des processus permettant de déterminer la responsabilité des impacts négatifs, de prévenir les risques potentiels et d’atténuer voir arrêter totalement les impacts réels déjà identifiés. Cela peut aller jusqu’à la cessation des relations commerciales avec d’autres entreprises
- Évaluation de l’efficacité des mesures prises : elles vont devoir évaluer et justifier de l’efficacité des décisions prises dans le cadre du devoir de vigilance. Un examen devra être mené tous les deux ans pour vérifier la conformité du plan d'action, comprenant le suivi des indicateurs d’impact, des audits et des discussions avec les parties prenantes
- Communication publique : elles devront publier une déclaration officielle chaque année, en respectant les exigences de reporting de la CS3D (par exemple l’explication détaillée des politiques mises en place, la liste des risques identifiés, l’évaluation des résultats de ces politiques…)
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Les sanctions prévues par la CS3D
En cas de non conformité aux exigences de la CS3D, chaque entreprise pourra être sanctionnée de façon relativement lourde. Parmi ces sanctions, on pourra en distinguer deux types, mises en place par la Commission Européenne.
Il y a tout d’abord les sanctions financières. Les sociétés ne se mettant pas en conformité avec la CS3D se verront sanctionnées d’une amende proportionnelle à leur CA mondial (comme c’est déjà le cas pour le RGPD par exemple). Cette amende pourra s’élever jusqu’à 5% du CA global de l’entreprise.
Il y a ensuite les sanctions de publication. Les sociétés ne se mettant pas en conformité avec la CS3D seront épinglées publiquement, pour une durée de 3 à 5 ans. Cette technique de “name and shame” existe pour augmenter la pression exercée par les parties prenantes (clients, investisseurs, talents…) sur les “mauvais élèves”.
Complémentarité de la CS3D avec la CSRD
La CSRD et la CS3D sont toutes les deux des directives de niveau européen, concernant les impacts négatifs des entreprises sur l’environnement et les droits humains. Même si elles partagent beaucoup de sujets en commun, elles n’ont pas les mêmes objectifs.
La CSRD se concentre sur le reporting extra-financier. Elle se concentre donc à la fois sur la matérialité financière et la matérialité d'impact. Elle impose à chaque entreprise de déclarer ses données ESG de manière transparente mais de manière uniquement factuelle. Le but de la CSRD est de pouvoir offrir à leurs parties prenantes (investisseurs, clients, talents…) un maximum de comparabilité entre les sociétés européennes concernées.
La CS3D, elle, se concentre sur le plan d’action concret et la vigilance en matière d’ESG de leurs opérations et de leurs relations commerciales. Elle se concentre donc sur la matérialité d’impact uniquement. Ce qui compte dans cette directive, c’est l’identification et la résolution des impacts négatifs des sociétés concernées, que cela soit sur leur chaîne de valeur ou dans leurs partenariats commerciaux. Le but de la CS3D est donc d’imposer aux sociétés de prendre leurs responsabilités en matière de durabilité.
En somme, ces deux directives sont complémentaires et forment les piliers du Pacte vert pour l’Europe. Le double aspect d’analyse des données et du plan d’action demandés par ces directives permet de placer les enjeux de durabilité au même niveau que les enjeux financiers.
La CS3D marque un réel tournant dans la transformation des sociétés vers davantage de responsabilité en matière de durabilité. Complémentaire à la CSRD, cette directive va bien au-delà de la simple transparence, et impose des actions concrètes pour prévenir et atténuer les risques sur l’environnement et les droits humains de leurs activités. En intégrant l’ensemble de la chaîne de valeur dans ses exigences, la CS3D élargit le champ du devoir de vigilance. Certes, les obligations imposées représentent un défi, notamment pour les grandes entreprises et leurs partenaires PME. Mais elles constituent aussi une opportunité de renforcer leur compétitivité et leur attractivité en s’alignant sur les attentes croissantes des parties prenantes (investisseurs, clients, talents…). La mise en œuvre de la CS3D sera un levier puissant pour construire une économie européenne durable, en cohérence avec les ambitions du Pacte vert pour l’Europe.