Comprendre la VSME : le référentiel ESG simplifié pour les PME, mais pas que
14-05-2025 - par Célestine Moreira

À la marge de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et des changements amenés par Omnibus, une autre norme recommence à faire parler d’elle dans l’écosystème ESG : la VSME. Encore peu connue et appliquée, elle est en train de s’imposer comme un modèle pragmatique, structuré et… potentiellement incontournable. Pourquoi ce soudain intérêt ? Qu’est-ce que cette norme volontaire a de plus que la DPEF (Déclaration de PErformance Extra-Financière) ? Et en quoi pourrait-elle concerner toutes les PME, qu’elles soient soumises à la CSRD ou non ? On fait le point dans cet article.
Pourquoi parle-t-on autant de la VSME aujourd’hui ?
Jusqu’à récemment, la VSME (Voluntary Sustainability Reporting Standard for non-listed Small and Medium-Sized Enterprises) était surtout connue pour être un cadre volontaire de reporting pour les PME non cotées (souvent mise en parallèle avec la LSME qui concerne, elle, un cadre réglementaire pour les PME cotées). La VSME est perçue comme un référentiel pratique et relativement complet, mais facultatif. Le paradigme a changé avec deux éléments : l’accélération de la pression réglementaire et surtout… la réglementation Omnibus.
Omnibus représente deux vagues de révisions importantes concernant le rapport de durabilité pour les entreprises européennes :
- Omnibus 1, en cours de vote et de validation (on l’attend pour le dernier trimestre de 2025), qui redéfinit les seuils d’application de la CSRD et décale son calendrier.
- Omnibus 2, dont le vote est prévu pour 2026, qui ambitionne de simplifier en profondeur la CSRD, notamment en réduisant le nombre d’indicateurs narratifs – ce que réclament de nombreuses entreprises européennes, notamment via le MEDEF.
Ainsi, les incertitudes autour de la CSRD ouvrent un boulevard à des modèles de rapport de durabilité plus simples, comme la VSME. Et pendant ce temps-là, l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) continue à structurer la norme, avec une version basique (Basic) et une version avancée (Complet), pour mieux couvrir tous les niveaux de maturité des PME.
La Commission Européenne envisage également de recommander officiellement la VSME comme modèle unique d’évaluation fournisseurs, c’est ce qu’on appelle la “Value Chain Cap”. Cette clause, passée relativement inaperçu lors des discussions autour d’Omnibus, risque pourtant de changer la donne pour l’évaluation fournisseurs. Pour en savoir plus, vous pouvez vous référer à notre dernier “En Bref” qui résume en quelques pages les tenants et aboutissants de cette clause Omnibus.
Autrement dit : même si une entreprise n’est pas encore concernée par la CSRD, elle pourrait très bientôt être sollicitée pour remplir un reporting basé sur la VSME de la part de ses clients et parties prenantes.
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Qu’est-ce que la norme VSME ?
Pensée comme une porte d’entrée plus accessible vers un rapport de durabilité structuré, la norme VSME (Voluntary Sustainability Reporting Standard for non-listed SMEs) a été conçue à l’origine pour offrir un cadre simplifié à destination des PME européennes non cotées. Elle reprend la logique de la CSRD avec ses trois piliers E, S et G (Environnemental, Social et Gouvernance), mais en version allégée, plus réaliste et mieux adaptée aux capacités des petites structures. L’un des atouts supplémentaires de la VSME, est qu’elle comprend deux modules permettant aux entreprises concernées de moduler leur niveau de reporting en fonction de leur maturité et de leurs ressources internes.
Le module VSME Basic
Le module “Basic” de la VSME comprend environ 80 indicateurs ESG, répartis de manière équilibrée :
- Environnement : consommation d’énergie, émissions de GES, gestion des déchets, consommation d’eau…
- Social : santé et sécurité, égalité femmes-hommes, absentéisme, formation des salariés…
- Gouvernance : lutte contre la corruption, pratiques éthiques, présence d’une politique RSE…
Ce module permet à une PME de structurer sa démarche sans rendre la tâche trop longue ou complexe, en se concentrant sur les informations les plus pertinentes et les plus faciles à reporter. La VSME comprend surtout des indicateurs chiffrés, et moins d’indicateurs narratifs que d’autres modèles de reporting, ce qui facilite grandement le travaille des équipes au sein des PME. Également, toutes les informations demandées pour la VSME sont standardisées, ce qui facilite les comparaisons et limite les risques de greenwashing, tout comme le fait la CSRD pour les plus grandes entreprises.
Autre point fort : la norme est volontaire. Les entreprises peuvent ignorer certains indicateurs sans avoir à justifier leur non-matérialité, ce qui représente une flexibilité particulièrement bienvenue pour les structures qui démarrent tout juste leur démarche RSE.
Le module VSME Complet
Le module Complet de la VSME a été publié en décembre 2024 et pousse l’exercice plus loin en ajoutant de nouvelles informations à reporter. Ce module VSME permet de passer d’un socle d’indicateurs opérationnels à une vision beaucoup plus stratégique couvrant l’ensemble des piliers ESG. On ne se contente plus de dire ce que l’on fait : on commence à expliquer pourquoi, comment, avec qui, et pour aller où.
Concrètement, ce module introduit plusieurs briques supplémentaires, pensées pour se rapprocher du fonctionnement de la CSRD, tout en restant adaptées aux capacités de traitement d’une PME.
Voici les principaux apports :
- L’analyse de double matérialité : il est demandé aux entreprises d’évaluer leurs impacts sur leur écosystème (la matérialité d’impact) mais également les impacts du changement climatique et de changements sociaux sur leur propre développement (la matérialité financière), tout comme pour la CSRD.
- Des indicateurs narratifs : en plus des chiffres, l’entreprise doit documenter sa stratégie RSE, ses engagements, ses trajectoires de réduction, ses plans d’action, et les moyens qu’elle y consacre. On entre ici dans une logique de pilotage stratégique.
- Une documentation des politiques, des procédures et de la gouvernance ESG : par exemple, l’existence d’une politique climat, d’un processus d’évaluation des fournisseurs, d’un pilotage RSE par le comité de direction… C’est ce qui permet de passer d’une simple déclaration à un reporting crédible et aligné avec les attentes du marché.
Ce module est pensé pour les entreprises qui veulent anticiper la CSRD (car elles y seront bientôt soumises) ou répondre à des demandes clients plus exigeantes. Il permet de construire un rapport de durabilité plus exhaustif, en ligne avec les attentes des investisseurs, donneurs d’ordre et parties prenantes.
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Pourquoi elle pourrait devenir une norme plus large qu’au départ ? Le cas de l’évaluation fournisseurs
Jusqu’à présent, chaque entreprise pouvait construire son propre questionnaire ESG fournisseurs avec ses propres critères, son propre format... Ainsi, les PME sous-traitantes de plusieurs groupes passaient beaucoup trop de temps à répondre à des demandes similaires, mais jamais identiques, ce qui représente une perte de temps et d’énergie conséquente pour elles.
C’est ce que la Commission Européenne veut corriger en proposant la VSME comme modèle unique d’évaluation fournisseurs, via la Value Chain Cap. Cette Value Chain Cap obligera les entreprises souhaitant évaluer leurs fournisseurs d’utiliser les informations demandées dans la VSME. Elles pourront choisir les données qu’elles souhaitent dans la liste des indicateurs de la VSME. Avec ce système :
- Les PME rempliraient une seule fois leurs données ESG, en reportant simplement leurs données ESG dans un fichier ou un outil qui comporterait tous les indicateurs de la VSME
- Ces données seraient donc réutilisables par tous leurs clients, réduisant drastiquement le temps passé sur la communication des données ESG
- Les acheteurs auraient accès à une base de données ESG harmonisée et standardisée, évitant les doublons et les biais d’interprétation de chaque PME évaluée
La Value Chain Cap opère un réel changement de paradigme. La VSME deviendrait un genre de passeport ESG européen pour les PME. Une norme volontaire, certes, mais qui deviendrait en pratique incontournable dans les appels d’offres, dans les relations grands comptes ou dans les filières engagées (agroalimentaire, textile, BTP…).
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La VSME n’a peut-être pas le poids réglementaire de la CSRD, mais elle gagne chaque mois du terrain, dans les entreprises comme dans les institutions. En s’imposant peu à peu comme un référentiel commun pour les PME et comme un outil standardisé pour l’évaluation fournisseurs, elle pourrait devenir un véritable pilier du reporting ESG en Europe, et ce, qu’on y soit obligé ou pas. En adoptant dès maintenant la VSME, les entreprises prennent une longueur d’avance : elles structurent leur démarche, réduisent leur charge administrative future, et montrent à leurs clients qu’elles sont prêtes. Volontaire aujourd’hui, peut-être incontournable demain : la VSME mérite plus qu’un simple regard de curiosité. Elle s’impose comme un outil concret, crédible et stratégique pour toutes les PME qui veulent professionnaliser leur impact.