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Bilan carbone : définition, enjeux et réglementation pour les entreprises

07-04-2025 - par Alice Perretta

Bilan carbone : définition, enjeux et réglementation pour les entreprises

Comment mesurer ses émissions de gaz à effet de serre ? Pourquoi réaliser un bilan carbone ? À quoi correspondent les différentes scopes ?

 

Empreinte carbone, bilan GES, bilan carbone... quelles différences ?

 

Définition de l’empreinte carbone

L’empreinte carbone est un indicateur ESG qui permet de mesurer la quantité totale de gaz à effet de serre (GES) émise directement et indirectement par une activité, une personne, une entreprise ou bien encore un pays. Ces gaz à effet de serre sont ceux retenus dans le protocole de Kyoto, que l’on calcule en “eqCO2” (équivalent CO2). Cela veut dire que l’on calcule leur impact climatique néfaste en prenant le CO2 comme valeur de référence. Ces gaz à effet de serre sont les suivants :

 

  • Dioxyde de carbone (CO2) : combustion d’énergies fossiles, production de de ciment, fermentation.
  • Méthane (CH4) : agriculture, élevage, décharges. eqCO2 = 25
  • Protoxyde d’azote (N2O) : fertilisants, combustion. eqCO2 = 298
  • Hydrofluorocarbures (HFC) : réfrigération, climatisation. eqCO2 = 12 à 14 800
  • Perfluorocarbures (PFC) : fabrication d’aluminium. eqCO2 = 7 390 à 12 200
  • Hexafluorure de soufre (SF6) : équipements électriques. eqCO2 = 22 800

 

Définition du Bilan GES Réglementaire ou BEGES

Le Bilan GES Réglementaire, aussi appelé BEGES (Bilan d’Émissions de Gaz à Effet de Serre) est une méthode de calcul créée par l’ADEME pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre des acteurs publics et privés. L’objectif de ce bilan est de dresser un état des lieux des émissions d’une entité, pour identifier les activités les plus émettrices et ainsi cibler les pôles où la réduction de l’empreinte carbone est nécessaire.

 

On dit de ce bilan qu’il est réglementaire, car il est obligatoire pour les organisations françaises remplissant les critères suivants :

  • les entreprises du privé de plus de 500 salariés en France métropolitaine
  • les entreprises du privé de plus de 250 salariés dans les départements d’Outre-Mer
  • les entreprises publiques de plus de 250 salariés
  • les collectivités de plus de 50.000 habitants

 

Les organisations concernées doivent publier leur BEGES sur le site de l’ADEME et le renouveler tous les 4 ans. En cas de non-respect de cette obligation, une amende de 10.000€ est prévue, qui pourra être doublée en cas de récidive les années suivantes.

 

Attention ! Si au départ le BEGES ne demandait de prendre en compte que les scopes 1 et 2. Depuis juillet 2022, les organisations doivent également calculer et prendre en compte le scope 3.

 

Que sont les scopes 1, 2 et 3 du bilan carbone ?

Pour calculer les émissions de gaz à effet de serre d'une entreprise, les différents types d’émissions sont classés en trois catégories, appelées “scopes”. Chacune de ces catégories regroupe des facteurs ou sources d’émissions en fonction du contrôle que l’entreprise peut avoir dessus.

 

Le scope 1 : les émissions directes

Le scope 1 comprend les émissions de GES directement produites par les activités de l'entreprise concernée. Cela signifie qu’elle a un contrôle direct sur ces émissions. Il comprend :

  • Sources fixes de combustion : ce sont les émissions issues de la combustion d'énergies dans des installations fixes (chaudières à gaz, générateurs au fioul…)
  • Sources mobiles de combustion : ce sont les émissions liées à l'utilisation de véhicules appartenant à l'entreprise (camions de livraison d'une flotte de transport interne, engins de chantier…)
  • Émissions fugitives : ce sont les émissions dues aux fuites provenant de certaines équipements de l'entreprise (systèmes de réfrigération, conduites de gaz…)

 

Pour un article plus détaillé sur les scopes 1 et 2, consultez notre article dédié.

 

Le scope 2 : les émissions indirectes liées à l'énergie

Le scope 2 englobe les émissions indirectes associées à la consommation d'énergie achetée et utilisée par l'entreprise. L’entreprise n’a pas de contrôle direct sur ces émissions liées à l'énergie, mais peut toutefois choisir une solution énergétique plus durable, elle a donc un contrôle possible sur ces émissions. Il inclut :

  • Consommation d'électricité : ce sont les émissions générées par la production de l'électricité consommée par l'entreprise
  • Consommation de chaleur, de vapeur ou de froid : ce sont les émissions liées à la production de ces énergies achetées par l'entreprise en réseau

 

Pour un article plus détaillé sur les scopes 1 et 2, consultez notre article dédié.

 

Le scope 3 : les autres émissions indirectes

Le scope 3 regroupe toutes les autres émissions indirectes à l'entreprise, mais qui découlent tout de même de son activité. Les facteurs d’émissions sont au nombre de 15, mais sont divisés en 2 catégories principales. Pour un article plus détaillé sur le scope 3, consultez notre article dédié.

  • Émissions indirectes amont : elles englobent les émissions de gaz à effet de serre en amont des activités de l'entreprise (achats de produits ou services, extractions et transport de matières premières, déplacement des employés…)
  • Émissions indirectes aval : elles concernent les émissions de gaz à effet de serre en aval des activité de l'entreprise (utilisation des produits vendus, fin de vie des produits…)

 

Il est important de noter que, pour beaucoup d’entreprises, ce scope 3 représente la majorité de l’empreinte carbone des entreprises ! Pour certaines d’entre elles, ces émissions indirectes peuvent représenter jusqu’à plus de 90% du total des émissions de gaz à effet de serre.

 

Comment calculer l'empreinte carbone de mon entreprise ?

Il existe plusieurs méthodologies et standards de calcul pour mesurer l’empreinte carbone de son entreprise : le Bilan Carbone®, le GHG Protocol, le référentiel ISO, les analyses de cycle de vie des produits… Le choix de la méthode de calcul va dépendre de l’entreprise et de la réglementation. A part dans le cas où une entreprise a l’obligation de réaliser son bilan carbone et où la méthodologie est imposée, chaque entreprise est libre de choisir la méthode qui lui convient le plus, pour elle et pour son produit ou service.

 

Le bilan GES réglementaire

Encadrée par l’article 75 de la Loi ENE et le Code de l’environnement, la méthode du BEGES énonce à la fois des principes méthodologiques obligatoires ainsi que des recommandations facultatives à destination des entreprises.

 

La méthodologie du BEGES réglementaire constitue une base pour élaborer les bilans d’émissions de GES mais est conçue pour intégrer les progrès des autres méthodologies. Des ponts peuvent donc exister entre cette méthodologie et les autres.

 

Le Bilan Carbone®

La méthode du Bilan Carbone® a été développée par l’ADEME avec l’aide de Jean-Marc Jancovici dans l’objectif de créer un outil précis de mesure des émissions des entreprises et des collectivités. Il a ensuite été confié à l’ABC (Association Bas Carbone), qui a pour mission de porter et diffuser la méthodologie du Bilan Carbone®. L’association propose aux entreprises des outils et méthodes leur permettant de réussir dans la définition et la mise en œuvre de leur stratégie de décarbonation. La méthode Bilan Carbone® est à ce jour une des méthodes les plus utilisées en France.

 

La méthodologie pour effectuer un bilan carbone complet se fait en plusieurs étapes avec notamment :

  • La définition du niveau de maturité de sa démarche carbone
  • La définition du périmètre de la démarche
  • La mobilisation des parties prenantes
  • La comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre
  • La construction d’un plan de transition
  • La synthèse et la restitution du Bilan Carbone®
  • L’évaluation de la qualité du Bilan Carbone®

 

A noter que l’obligation de publier ces éléments ne concerne pas les entreprises qui les auraient déjà présentées dans leur rapport extra-financier, leur CSRD, leur rapport DPEF ou leur rapport de développement durable.

 

La norme ISO 14064

L'ISO 14064 est une norme internationale qui définit les principes et exigences au niveau des organismes pour la quantification et la rédaction de rapports sur les émissions et suppressions de GES. Cette norme est destinée aux entreprises, organisations et gouvernements qui souhaitent mesurer et déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre de manière fiable et standardisée au niveau international. Cette norme est divisée en trois parties :

  • La norme ISO 14064-1 : elle indique les principes et exigences pour la quantification et le reporting des émissions et absorptions de GES. C’est donc l’outil de base pour établir un bilan carbone d’une organisation.
  • La norme ISO 14064-2 : elle définit également les règles pour la quantification, le suivi et la déclaration, mais cette fois pour les réductions d’émissions dans des projets spécifiques (projets de compensation carbone, initiatives de réduction des émissions…)
  • La norme ISO 14064-3 : elle établit les lignes directrices pour la vérification et la validation des déclarations de GES par des auditeurs externes, pour garantir la fiabilité des données divulguées dans le bilan carbone.

 

La norme ISO 14064 impose ainsi la vérification des données comptabilisées par une tierce partie, ce qui est élément facultatif dans le Bilan Carbone® de l’ADEME et le GHG Protocol.

 

Le GHG Protocol

Le GHG Protocol (GreenHouse Gas Protocol), c’est le standard international de référence pour mesurer et les émissions de gaz à effet de serre. C’est le standard le plus utilisé dans le monde (c’est d’ailleurs la méthodologie utilisée pour la CSRD), bien que le Bilan Carbone® de l’ADEME reste le plus utilisé en France.

 

Pour accompagner au mieux les organisations qui souhaitent utiliser cette méthodologie de comptabilité carbone, le GHG Protocol propose 10 “standards”. Ces standards font office de cadre pour accompagner les organisations dans leur bilan carbone, en prenant en compte leurs spécificités sectorielles ou organisationnelles.

 

  • Le Corporate Standard : il est à destination de toutes les entreprises pour les guider sur la mesure de leurs émissions sur les scopes 1, 2 et 3 au global.
  • Le Scope 3 Standard : il aide les organisations qui souhaitent approfondir l’évaluation de leur scope 3 (émissions indirectes liées à leur chaîne de valeur).
  • Le Project Protocol : il est adapté aux organisations qui souhaitent mesurer les émissions d’un projet en particulier, et non à l’échelle globale de l’organisation.
  • Le GHG Protocol for Cities : les bilans carbone ne concernent pas que les entreprises, les collectivités aussi sont concernées. Ce standard accompagne les collectivités en prenant en compte toutes leurs spécificités.
  • Le Mitigation Goal Standard : ce standard est également destiné aux collectivités mais également aux gouvernements, qui souhaitent fixer des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre
  • Le Policy and Action Standard : il est à destination des acteurs publics pour évaluer les impacts d’un politique ou d’une action climatique (comme une loi, un règlement, une subvention…)
  • Le Product Standard : il permet de mesurer les émissions de gaz à effet de serre d’un produit (bien ou service) en particulier sur l’ensemble de son cycle de vie (aussi appelée ACV, Analyse du Cycle de Vie)
  • Le Value Chain Accounting Tool : c’est un outil pratique pour aider les entreprises à mieux comptabiliser les émissions de chaque catégorie d’émissions du scope 3.
  • Le GHG Protocol for Agriculture Guidance : il permet aux acteurs du secteur agricole de mieux mesurer leurs émissions en prenant en compte les spécificités de leurs activités.
  • Le GHG Protocol for Land Sector and Removals : il est à destination des organisations qui gèrent des terres, des forêts et des puits de carbone (comme la reforestation, l’agriculture régénérative…).

 

L’Analyse de Cycle de Vie (ACV)

L’objectif de l’analyse de cycle de vie est de mesurer tous les impacts environnementaux (l'empreinte carbone mais également les incidences sur l'eau ou la biodiversité par exemple) associés à un produit, un service ou un processus, en étudiant de manière rigoureuse toutes les différentes phases de son cycle de vie.

 

On y analyse les émissions de gaz à effet de serre des différentes étapes de la vie de l’activité souhaitée :

  • L’extraction des matières premières nécessaires à sa production
  • La fabrication et la transformation
  • Le transport et la distribution
  • L’utilisation par le consommateur
  • La fin de vie (recyclage, mise en décharge…)

 

Pourquoi réaliser un bilan carbone ?

A travers le bilan carbone, l’entreprise justifie d’actions concrètes pour réduire ses émissions et donc contribuer à la transition environnementale. Par ailleurs, plusieurs motivations peuvent inciter les entreprises à passer à l’action.

 

Valoriser son image de marque et attirer des talents : une entreprise qui prend ses responsabilités, fait preuve de transparence en communiquant sur ses engagements en faveur de l’environnement est souvent bien perçue par les tiers. Selon un sondage Opinion Way, 95% des jeunes de la génération Z souhaitent exercer une activité qui a du sens. Il s’avère même que 76% des jeunes de la génération Y placent la RSE au-dessus du salaire dans les critères de recherche d’emploi.

 

Bénéficier d’un avantage concurrentiel : le bilan carbone permet de valoriser ses performances extra-financières, en faveur de l’environnement. Un excellent moyen de se démarquer et attirer l'œil des investisseurs. De plus, cela permet aussi de gagner en compétitivité : 70% des consommateurs sont prêts à payer jusqu’à 35% plus cher pour un produit ou un service durable et bas-carbone.

 

Optimiser ses coûts : réduction de la consommation d’énergie, optimisation des transports, recyclage ou reconditionnement des ressources, politique d’achats responsable.

 

Sensibiliser son équipe et sa communauté : calculer son empreinte carbone en collaboration avec ses employés permet de les informer et de les sensibiliser sur l’impact environnemental de l’entreprise.

 

Anticiper les risques & évolutions des réglementations : le bilan carbone est un bon moyen d'anticiper l’évolution des contraintes réglementaires et le risque carbone (lié aux changement climatiques).

 

Mesurer ses émissions de gaz à effet de serre est aujourd’hui bien plus qu’une contrainte réglementaire : c’est un levier stratégique pour les entreprises qui souhaitent s’inscrire dans une démarche durable, transparente et crédible. À travers les différentes méthodes – Bilan Carbone®, BEGES, ISO 14064, GHG Protocol ou encore ACV – chaque organisation peut trouver un cadre adapté à ses enjeux, à son secteur et à son niveau de maturité sur le sujet.

 

Comprendre les scopes 1, 2 et 3 permet également de prioriser les efforts : si les émissions directes (scopes 1 et 2) sont souvent les plus visibles et les plus faciles à maîtriser, ce sont bien les émissions indirectes du scope 3 qui représentent la majorité de l’empreinte carbone de nombreuses entreprises.

 

Réaliser un bilan carbone complet, c’est donc se doter d’un outil de pilotage essentiel pour anticiper les attentes réglementaires (comme la CSRD), répondre aux exigences des parties prenantes, construire une trajectoire de réduction ambitieuse, et in fine, renforcer sa résilience et sa compétitivité.

 

Commencer aujourd’hui, c’est prendre une longueur d’avance sur l'avenir climatique.

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