SFDR : définition et enjeux pour les acteurs financiers
09-06-2025 - par Célestine Moreira

Avant même d’être une contrainte réglementaire, la SFDR est une réponse structurante à une exigence du secteur de la finance : permettre aux investisseurs de distinguer les engagements sincères des effets d’annonce en matière d’ESG. Ce règlement européen, entré en vigueur en 2021, impose aux acteurs financiers un exercice nouveau de transparence qui consiste à objectiver, documenter et comparer.
En classant les produits financiers selon leur ambition durable, le règlement SFDR donne un cadre commun à toute l’industrie. Elle agit comme un langage partagé entre régulateurs, distributeurs et investisseurs, et remet en question les pratiques floues ou hétérogènes du passé. Résultat : les sociétés de gestion doivent revoir la structure de leurs offres, la granularité de leurs reportings, et parfois même la stratégie de leur portefeuille pour le rendre plus durable.
Mais au-delà de la conformité, la SFDR ouvre un levier d’alignement stratégique pour les acteurs de la finance. Elle oblige les acteurs financiers à expliciter leur positionnement, à arbitrer entre ambition et preuve, et à faire évoluer leurs pratiques pour répondre à une demande croissante de lisibilité et d’impact.
Définition de la SFDR
Le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) est entrée en vigueur en mars 2021. Elle s’inscrit dans le cadre plus large du Plan d’action de l’UE pour la finance durable, lancé en 2018, aux côtés de la Taxonomie verte et de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).
Le règlement poursuit deux objectifs principaux :
- Renforcer la transparence des pratiques ESG au sein des produits financiers
- Lutter contre le greenwashing, en imposant des règles claires en matière de communication autour de la durabilité
La SFDR crée ainsi un langage commun qui permet aux investisseurs de comparer la durabilité des produits financiers. Ce règlement permet également aux régulateurs de contrôler la cohérence entre les promesses marketing des entreprises et la réalité durable de leurs offres. Elle est donc un réel socle pour la construction d’un écosystème durable cohérent, interconnecté avec d’autres normes comme la CSRD et la Taxonomie.
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Qui est concerné par la SFDR ?
Acteurs concernés par la SFDR
Le champ d’application de la SFDR est large. Il concerne l’ensemble des participants sur le marché de la finance et conseillers financiers opérant dans l’UE, notamment :
- Sociétés de gestion de portefeuille
- Compagnies d’assurance vie
- Fonds de pension
- Banques commercialisant des produits d’investissement
- Conseillers financiers indépendants
Il peut autant s’agir d’acteurs européens de la finance que de gestionnaires non-européens mais qui commercialisent une partie de leurs produits en Europe (comme c’est le cas pour la CSRD par exemple).
Produits visés par la SFDR
La SFDR s’applique à tous les produits financiers au sens large :
- OPCVM, FIA
- Produits d’assurance avec composante d’investissement
- Fonds indiciels (ETF)
- Produits de retraite
- Mandats de gestion
Obligations de publication dans le cadre de la SFDR
L’obligation de transparence s’exerce donc à deux niveaux, à la fois au niveau de l’entité mais également au niveau des produits proposés par ces entreprises et organisations.
À l’échelle de l'entité, les organisations concernées doivent publier sur leur site web les informations suivantes :
- leur politique d’intégration des risques en matière de durabilité dans les décisions d’investissement ou de conseil
- leur approche des impacts négatifs significatifs sur les facteurs de durabilité, aussi appelée Principal Adverse Impacts (PAI). Cette déclaration n’est obligatoire que pour les sociétés de plus de 500 salariés, mais celles en-dessous du seuil doivent tout de même justifier pourquoi elles décident de ne pas la publier
- leur politique de rémunération en lien avec la durabilité
Quelle que soit leur taille, toutes les entités proposant des produits financiers en Europe doivent respecter les critères suivants à propos de leurs produits :
- intégrer dans les documents précontractuels des informations selon la classification de leurs produits (article 6, 8 ou 9)
- fournir un reporting périodique standardisé, avec des indicateurs de durabilité, en particulier pour les produits article 8 et 9
- mettre en ligne des informations actualisées sur leur site, avec des modèles de présentation normalisés depuis l’entrée en vigueur des RTS (Règlement technique de niveau 2)
Que dit la SFDR ? Zoom sur les articles 6, 8 et 9
Le cœur de la SFDR c’est la classification des produits financiers en fonction de leur niveau d’intégration des critères ESG. Cette typologie repose sur trois articles clés les articles 6, 8 et 9, qui définissent les obligations de transparence et les critères de classification des acteurs financiers en fonction de l’ambition durable de leurs produits financiers. Cette approche vise à permettre aux investisseurs finaux de comparer plus aisément les offres et de distinguer clairement les produits "classiques" des produits plus durables.
Article 6 de la SFDR
Les produits rentrant dans l’article 6 sont ceux qui n’intègrent pas d’objectifs durables concrets dans le développement de leur stratégie d’investissement. Ce sont des produits financiers “conventionnels” ou “classiques”.
Même en l’absence de stratégie durable formelle pour ces produits, la SFDR impose quand même à ces acteurs de :
- déclarer comment les risques en matière de durabilité sont pris en compte dans les décisions d’investissement, ou expliquer pourquoi ils ne le sont pas (avec une logique du “comply or explain”)
- présenter cette information dans les documents précontractuels (prospectus, DIC…) et sur leur site internet
Par exemple, un fonds obligataire d’entreprise sans axe durable spécifique doit tout de même indiquer s’il prend en compte le risque de transition ou de catastrophe naturelle pouvant affecter un émetteur, comme un risque pour une entreprise fortement exposée à la montée du niveau de la mer.
L’article 6 de la SFDR a pour enjeu d’intégrer a minima la notion de risque ESG comme facteur de performance ou de volatilité, même sans une réelle volonté d’orienter les investissements vers des objectifs de durabilité.
Article 8 de la SFDR
Les produits dits "article 8" sont ceux qui font la promotion des caractéristiques durables (qu'elles soient environnementales ou sociales) de leurs produits, sans pour autant avoir un objectif d’investissement durable au sens strict. Ils occupent une position intermédiaire dans la typologie SFDR, ces produits sont souvent qualifiés de produits “light green”.
Les obligations de transparence sont plus exigeantes que pour les produits article 6. Ces critères de classification comprennent les informations suivantes :
- la description claire des caractéristiques ESG promues (exclusion de certains secteurs, notation ESG minimum, stratégie thématique….)
- l’explication de comment ces caractéristiques sont intégrées dans le processus d’investissement (critères de sélection, méthodologie d’évaluation, pondération…)
- l’identification des indicateurs utilisés pour suivre et démontrer le respect des caractéristiques durables des investissements
- la preuve de la cohérence entre le développement de la stratégie durable annoncée et l’allocation concrète du portefeuille à la durabilité
Par exemple, un fonds peut se dire article 8 s’il exclut certains secteurs (comme le charbon, tabac, armes controversées…), retient uniquement les entreprises avec un score de durabilité minimum établi par une agence de notation ESG tout en conservant un objectif prioritaire de performance financière.
L’article 8 de la SFDR a pour objectif d’assurer la transparence et la vérifiabilité de l'approche ESG des entreprises concernées, sans revendiquer une finalité d’impact. L’intégration ESG devient ici un critère différenciant, mais pas un objectif de transformation durable totale.
Article 9 de la SFDR
Les produits "article 9" sont les plus ambitieux dans la classification SFDR. Ils visent un objectif d’investissement durable formel, c’est-à-dire une contribution concrète à un objectif environnemental ou social, qui se place au cœur du développement de leur stratégie d’investissement.
Pour obtenir la classification “article 9”, les entreprises doivent :
- démontrer que leur objectif d’investissement durable est réel, mesurable et suivi dans le temps
- s’assurer que l’ensemble des actifs du portefeuille contribue à cet objectif en matière de durabilité
- prouver qu’aucun de ces investissements ne cause de préjudice significatif (avec le concept du "Do No Significant Harm") à d’autres objectifs durables
- montrer leur alignement avec la taxonomie verte européenne
- publier des indicateurs d’impact clairs et solides, validés selon le règlement SFDR (émissions évitées, part verte, bénéficiaires sociaux…)
Par exemple, un fonds à impact climat classé article 9 peut investir exclusivement dans des entreprises qui développent des solutions de décarbonation (pompes à chaleur, stockage d’énergie, matériaux bas carbone), en exigeant un alignement avec la taxonomie sur l’objectif “atténuation du changement climatique”, et en publiant des informations chiffrées telles que : tonnes de CO2 évitées par million d’euros investi.
L’objectif de l’article 9 de la SFDR est de prouver que le produit ne se contente pas de "prendre en compte" ou de "promouvoir" l’ESG, mais qu’il oriente activement les capitaux vers une transformation durable, concrète et mesurable de la finance.
Quels sont impacts de la SFDR pour les acteurs financiers ?
La SFDR a provoqué une reclassification massive des produits. Certains fonds ont été revus pour intégrer des caractéristiques ESG et basculer en article 8, d’autres ont été retirés du statut article 9, jugé trop exigeant, les documents commerciaux, précontractuels et prospectus de nombreuses entités ont dû être réécrits… Cette dynamique a poussé beaucoup de sociétés de gestion à repenser leurs gammes en profondeur, en lien avec une stratégie durable et globale.
Par exemple, BNP Paribas AM a réduit son nombre de fonds article 9 de 25 à 12 en 2023, tout en renforçant les engagements ESG des fonds article 8.
Il est aussi important de souligner que la SFDR crée une pression de marché avec un nouveau pôle de compétitivité. Cette concurrence porte autant sur la crédibilité ESG des entreprises, car un produit mal classé ou mal justifié sera écarté par les investisseurs institutionnels, que sur la performance extra-financière comparée, les plateformes de notation ESG (comme Morningstar, Clarity AI…) publient désormais des tableaux de bord publics. Ce nouveau contexte de concurrence pousse les acteurs à élever leur niveau d’exigence pour rester compétitifs et attractifs, mais aussi à mieux former leurs équipes.
En clarifiant les règles du jeu, la SFDR redéfinit les attentes envers les produits financiers dits “durables”. Elle ne se limite pas à une exigence documentaire : elle crée un nouveau standard de marché. Pour rester crédibles, compétitifs et alignés avec les autres textes du Green Deal, les acteurs financiers n’ont plus le choix : ils doivent maîtriser les critères ESG, leur mise en œuvre et leur justification. Dans ce contexte, bien comprendre la logique des articles 6, 8 et 9 n’est pas seulement un impératif réglementaire, mais un enjeu stratégique.