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Septième continent de plastique : une urgence écologique

27-07-2017 - par Myrtille Serre

Septième continent de plastique : une urgence écologique

Non. La bouteille de plastique jetée ou bien même triée dans un conteneur jaune ne disparaît pas par enchantement. Si une minorité des déchets plastiques sont triés ou incinérés, la majorité d’entre eux se retrouve à l’abandon dans des décharges ou dans la nature.

Fascinante et effrayante, l’expression métaphorique « septième continent de plastique » interpelle. Si cette surface s’imagine matériellement par sa densité, elle se caractérise en réalité par sa superficie qui représente sept fois celle de la France. Selon une étude récemment publiée dans Sciences Advances, 8,4 milliards de tonnes de plastique ont été produites et consommées depuis 1950. A titre d’illustration cette quantité équivaut à 250 millions d’Airbus A320 ou à 850 000 tours Eiffel. Considérés comme une décharge à ciel ouvert, les océans sont les principaux hôtes des déchets composés de ce matériau. L’ONU Environnement tire la sonnette d’alarme en affirmant que « plus de 8 millions de tonnes de plastique sont déversées dans les océans chaque année : l’équivalent d’une benne à ordure de plastique déversée chaque minute». Zoom sur ce phénomène et les mesures qui ont été imaginées pour affronter ce désastre écologique.

Une pollution invisible menaçante

 « L’océan est concerné dans son ensemble. C’est une soupe diluée de microfragments de plastique », explique dans une interview sur France Inter Baptiste Monsaingeon, chercheur postdoctoral à l’Ifris qui a participé à la première expédition d’identification de concentration de débris plastique en Atlantique Nord. Ce nouvel homme de terrain dénonce dans son ouvrage Homo Détritus dans quelle mesure la démocratisation de l’usage du plastique est devenue un danger environnemental. Les déchets plastiques déversés s’accumulent dans les zones de convergence de courants dites « gyres océaniques ». Les principaux se trouvent au sein de l’Atlantique Nord et Sud, dans les deux Pacifiques et dans l’océan Indien. Si la concentration en surface secoue l’opinion, celle-ci serait surtout « la partie émergée de l’iceberg ». Le plus drastique reste l'accumulation de particules invisibles, issues de ces morceaux de plastique qui se fragmentent, et qui se disséminent dans l’océan. Sournoise, cette pollution invisible ravage. Son impact sur les écosystèmes et sur l’homme est encore méconnu mais semble être extrêmement néfaste.

L’équipe « 7e continent » : un engagement sur le terrain

 « Nous passons à coté d’un drame. Nous plastifions l’océan. Et, l’océan c’est la vie », alerte Patrick Deixonne, navigateur, explorateur et chef de mission de l’association « 7e continent » qui a pour but de protéger les océans de ce fléau en menant des expéditions scientifiques et des actions de sensibilisation du grand public. Interpellé par l’omniprésence des déchets plastique lors de sa traversée de l’Atlantique à la rame en 2009, cet amoureux de la mer s’est donné pour crédo de comprendre et de réduire cette pollution massive des mers. Entouré d’une équipe de 80 chercheurs, il sillonne les océans pour se saisir de cette réalité, et en mesurer les effets et conséquences. « Le plastique est comme une maladie: il faut le comprendre avant de le soigner », souligne t-il. Trois expéditions ont déjà été réalisées en mer et une quatrième est prévue pour la fin de l’année. Un de ses objectifs se trouve dans la connaissance du grand public de cette catastrophe et de l’attention politique et médiatique qui lui est accordée. « La COP 21 et la COP 22 n’ont pas réellement mis en avant cette thématique mais nous avons pu en parler. C’est un premier combat, il ne faut pas s’arrêter là », confie t-il.

#OcéansPropres : l’ONU veut mettre fin au raz de marée de plastique

 Lors du Sommet mondial sur les océans organisé à Bali en février dernier, l’ONU Environnement a déclaré la guerre à l’océan de plastique. Une campagne mondiale qui vise à mettre fin aux déchets marins a été mise en place. L’objectif de cette mission a une visée double : interpeller les industries quant aux emballages et la conception des produits, notamment des cosmétiques qui comportent des micro-plastiques, et changer les habitudes du « tout-jetable » des consommateurs.  Soutenant cette démarche Ségolène Royal, ancienne ministre de l’Ecologie, semblait se réjouir de l’engouement provoqué par cette coalition internationale. En effet, outre la France neuf pays se sont déjà engagés. Parmi eux : l’Uruguay a l’ambition de diminuer de 70% ses déchets marins dès 2025, le Costa Rica promet de réduire l’utilisation de plastique à usage unique et l’Uruguay imposera une taxe sur les sacs plastique non réutilisables.Pour la première fois, en juin dernier, une conférence internationale des Nations Unies sur les océans a eu lieu. Au menu de cette semaine de négociations : poser carte sur table sur la pollution plastique et mettre la protection des océans au coeur des discussions.

Une urgence partagée : quelles solutions ?

 De l’encouragement au tri des déchets, aux mesures législatives comme le décret sur l’interdiction des sacs de caisse en plastique à usage unique d’une épaisseur inférieure à 50 µm: la volonté politique de changer la donne paraît enfin actée. Cependant, ces initiatives ne suffiront pas pour y pallier. Pour éviter que ces déchets se retrouvent en pleine nature, le recyclage ou l’incinération restent les meilleures alternatives. Selon Patrick Deixonne, la seule solution se trouve dans la valorisation économique de ce matériau. « Il faut donner une rentabilité économique au plastique pour exploiter les déchets qu’il génère », affirme t-il.  Plus catégorique, Baptiste Monsaigeon prône une réduction pure et dure de la production et de la consommation de plastique.  En somme la clé réside dans le changement de notre mode de vie et dans la remise en question de la logique de jetabilité qui règne aujourd’hui au sein de notre société. « Il faut réapprendre à vivre avec les déchets ». Il faut faire monde avec eux », ajoute-t-il. Si la situation parait d’ores et déjà critique, il reste à espérer qu’elle ne soit pas irréversible.

 

 

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